La notion de Qi (气), prononcée « tchi » et parfois écrite « Chi », est au cœur de la médecine traditionnelle chinoise. Elle désigne une activité vitale, à la fois souffle, fonction et capacité d’adaptation du corps aux variations internes et externes. Comprendre le Qi, c’est comprendre pourquoi la médecine traditionnelle chinoise raisonne en syndromes et en dynamiques (stagnation, insuffisance, excès) plutôt que seulement en organes isolés. Cet article explique ce que signifie le Qi, comment le repérer cliniquement, et quelles méthodes le rééquilibrent, en s’appuyant sur les textes classiques (Huangdi Neijing, Nan Jing), sur des auteurs contemporains (Giovanni Maciocia, Ted Kaptchuk) et sur des illustrations issues de la pratique en cabinet (diagnostics, protocole de soins, conseils patients).
Sommaire
- Qu’est-ce que le Qi en médecine traditionnelle chinoise ?
- Comment un déséquilibre de Qi se manifeste‑t‑il et comment le diagnostiquer précisément ?
- Quelles méthodes thérapeutiques modifient le Qi et comment choisir la combinaison la plus adaptée ?
- Comment traduire ces savoirs en parcours de soin concret et sécurisé en cabinet ?
Qu’est‑ce que le Qi en médecine traditionnelle chinoise ?
Le Qi est un principe fonctionnel plutôt qu’un composant
Le Qi est décrit dans le Huangdi Neijing comme « le souffle qui anime l’univers et l’humain » ; en MTC il sert à décrire des fonctions — transformer, transporter, défendre — plutôt qu’un fluide observable. Cette lecture fonctionnelle permet d’expliquer pourquoi un même symptôme (fatigue, douleur, insomnie) peut provenir de mécanismes différents :
- Qi insuffisant (Xu)
- Qi bloqué (Yu)
- Qi pervers (pathogène)
- Qi déréglé par le climat (Froid, Humidité)
Les textes fondateurs, en particulier le Huangdi Neijing, parlent du Qi comme du souffle qui circule dans les méridiens et permet la vie. Cette lecture insiste sur le caractère dynamique du Qi : il varie selon l’âge, la saison, les émotions et l’alimentation.
Le Qi se décline (Wei, Ying, Yuan) pour orienter le diagnostic
La pratique distingue différentes formes de cette énergie vitale :
- Yuan Qi : Qi originel, constitutionnel
- Wei Qi : Qi protecteur, à la surface
- Ying Qi : Qi nutritif, lié au sang
Par exemple, une susceptibilité aux infections (rhumes répétés) renvoie à un Wei Qi faible, tandis qu’une pâleur persistante et une fatigue chronique pointent vers un Yuan Qi affaibli ou une insuffisance de Qi de la Rate. Ces distinctions, présentes dans les classiques et reprises par Giovanni Maciocia, sont utilisées quotidiennement par les praticiens pour formuler un plan thérapeutique précis.
Quelles différences entre Jinq et Qi (inné et acquis) ?
En médecine chinoise, on distingue deux types d’énergie: le Jing et le Qi.
Le Jing, c’est le capital énergétique, on parle du Qi rénal. Il se divise lui-même en deux: le Jing inné (Qi du ciel antérieur) et Jing acquis (Qi du ciel postérieur).
Le Jing inné est stocké dans les Reins et hérité des parents. Cette source d’énergie est variable selon chaque personne et ne peut pas être renouvelée. Elle s’épuise tout au long de la vie.
Le Jing acquis, lui, est nourri part l’alimentation (aliments et boissons) et la respiration dès la naissance. Il est utilisé au quotidien et renforce le Jing inné pour que ce dernier ne s’épuise pas. Le Qi Rénal permet la croissance, la reproduction, le développement et la réparation du corps, la production de sang et des liquides organiques. C’est un capital de vitalité, une substance matérielle nutritive et dense. Le Jing sert de matière première pour produire le Qi.
Le Qi, lui, est la version active de l’énergie, une force dynamique et mobile. Le Qi est continuellement produit à partir du Jing acqis et du Qi de l’air (Qing Qi).
On parle de différents types de Qi selon sa fonction ou sa localisation.
- le Zong Qi : c’est l’énergie première localisé dans la poitrine/le thorax. Sa fonction est de collecter et rassembler. Elle est issue de la formation du Qi de l’air (Qing Qi) inhalé par le Poumon, et du Qi des aliments (Gu Qi) extrait des aliments transformés par la Rate/Estomac. Elle s’accumule et circule dans le thorax et les vaisseaux sanguins. Le Zong Qi donne l’impulsion à la respiration, donne la force au rythme cardiaque, nourrit le Coeur et le Poumon, contrôle la parole et la force de la voix.
- Le Ying Qi : c’est l’énergie nourricière. C’est le Qi issu des aliments et des boissons. Elle est produite par la Rate et l’Estomac et est un peu lourde. Elle circule dans les méridiens, les vaisseaux sanguins suivant le cycle nycthéméral (ou circadien). Sa fonction est de produire le Qi, le sang et de nourrir les viscères et le corps.
- Le Wei Qi : c’est l’énergie défensive. Elle se forme via le Qi acquis et le Qi des Reins. Sa fonction est d’assurer la protection du corps. Elle circule en superficie et est mobile et fluide. Elle protège la surface du corps, doit être forte et robuste. Elle réchauffe et nourrit la peau, les muscles et amène les liquides organiques au niveau de la surface de la peau pour l’humidifier. Elle régularise la température du corps. Elle est distribuée par le Poumon.
- Le Yuan Qi : c’est l’énergie originelle. Elle est formée par le Jing inné, le Qi acquis et le Yang (feu). Elle est donc issue du Qi rénal. Elle a pour fonction de réchauffer et activer le corps et les organes. Elle favorise la circulation du corps, et permet la transformation au niveau des organes/entrailles (respiration, digestion). Elle circule via le Triple Réchauffeur à travers tout le corps et aliment les organes/entrailles, les tissus, les méridiens et les points Yuan source. C’est un peu l’eau chaude dans la tuyauterie de la maison.
- Le Zhen Qi : énergie véritable. C’est le Qi fondamental et authentique qui circule dans le corps une fois que l’air et l’essence des aliment (Gu Qi) ont été transformés par le Poumon et le Rein. C’est le Qi purifié qui vient du Yuan Qi et du Zong Qi. Il se divise ensuite en Ying Qi (Qi nutritif) et le Wei Qi (Qi défensif). C’est l’énergie véritable qui circule et active toutes les fonctions du corps.
- Le Zheng Qi : énergie droite/correcte = Wei Qi + Ying Qi + Zong Qi + Yuan Qi. Elle désigne l’ensemble des forces vitales de l’organisme qui protègent contre les agents pathogènes et maintiennent l’équilibre interne. C’est la capacité de défense et d’autorégulation du corps. C’est la force de défense globale, le terrain.
Les caractéristique du Qi sont les suivantes:
- Le réchauffement
- La propulsion : force motrice, permet la circulation du sang et des liquides organiques
- La défense : protection de l’organisme contre les agents pathogènes
- L’homéostasie : contention des organes, tissus, muscles, chaires, vaisseaux.. (empêche leur affaissement)
- La transformation ou Qi Hua: toutes les transformations qui se produisent dans le corps (digestion, liquides, etc.).
Le Qi est produit à partir du Jing, le Jing nourrit et soutient le Qi.

Comment ces déclinaisons guident-elles le diagnostic et le pronostic ?
La distinction inné/acquis oriente le pronostic et la stratégie thérapeutique. Le Yuan Qi faible impose prudence et protocoles de renforcement progressifs (moxa modéré, points de tonification profonds comme REN4, ST36, suivi à long terme), tandis qu’un trouble du Wei/Ying Qi permet souvent une récupération plus rapide si l’alimentation et les habitudes sont corrigées. Les classiques (Nan Jing, Shang Han Lun) et les manuels modernes (Maciocia) utilisent ces catégories pour formuler des plans thérapeutiques cohérents et individualisés.
Le Qi se lit dans le corps : pouls, langue, signes et histoire
Le diagnostic du Qi repose sur l’observation :
- pouls : profond, superficiel, tendu, faible
- langue : couleur, enduit, mobilité
- teint
- voix
- sommeil
- appétit
Un pouls faible et une langue pâle indiquent un Qi insuffisant ; un pouls tendu et une langue rouge peuvent signaler stagnation et chaleur. Ces outils cliniques, hérités des textes comme le Nan Jing, restent centraux dans la formation et la pratique contemporaine, et permettent un raisonnement différentiel que l’on retrouve dans les bilans effectués en cabinet par des praticiens expérimentés.
Comment un déséquilibre de Qi se manifeste‑t‑il et comment le diagnostiquer précisément ?
Le Qi insuffisant se manifeste par une énergie faible, une récupération lente et une voix diminuée
Un patient qui présente une fatigue généralisée, une voix faible, une digestion lente et un teint terne est souvent décrit en MTC comme ayant un Xu Qi (insuffisance de Qi), fréquent après des périodes de convalescence ou de stress prolongé.
Exemple concret : une patiente après maternité consulte pour une fatigue post‑partum et troubles digestifs ; l’analyse de la langue (pâleur) et du pouls oriente vers un vidage du Qi de la Rate, pouvant être traité par tonification (points ST36, SP6) et prescription d’une formule tonique adaptée (par ex. Bu Zhong Yi Qi Tang selon le syndrome).
La stagnation de Qi provoque douleurs mobiles, sensation d’oppression et troubles émotionnels
Le Qi bloqué (stagnation) se traduit classiquement par des douleurs qui migrent, une sensation de constriction thoracique, des règles douloureuses ou des troubles de l’humeur (irritabilité, dépression légère).
Un cas type : douleur prémenstruelle en coup de poignard avec pouls tendu ; l’approche consiste à disperser la stagnation du Foie via acupuncture (points tels que LV3 et LI4 combinés), exercices de Qi Gong pour relâcher, et harmonisation diététique. Les manuels cliniques modernes (Maciocia) fournissent des protocoles qui combinent points locaux et points distaux pour restaurer la circulation du Qi.
Les atteintes du Qi par des agents externes ou émotionnels nécessitent un traitement contextualisé
Les invasions externes (Vent, Froid, Humidité) et les chocs émotionnels perturbent le Qi selon des modalités distinctes : un rhume « de Vent‑Froid » demandera dispersion et réchauffement (moxibustion, points de dispersion), tandis qu’un choc émotionnel (deuil, stress aigu) peut conduire à une stagnation durable nécessitant un travail combiné d’acupuncture, de tuina et d’accompagnement psychocorporel. Les textes classiques décrivent ces mécanismes ; la pratique contemporaine insiste sur l’anamnèse pour reconstituer l’origine du déséquilibre et prioriser le traitement.
Quelles méthodes thérapeutiques modifient le Qi et comment choisir la combinaison la plus adaptée ?
L’acupuncture et la moxibustion : corriger le flux énergétique par stimulation des méridiens
L’acupuncture agit sur les méridiens pour disperser une accumulation (puncture, tonification/dispersion selon la technique), rétablir la communication entre organes et restaurer le flux du Qi. La moxibustion (chauffage par armoise) renforce le Qi lorsque le froid est en cause.
La pharmacopée chinoise : formules ciblées pour tonifier, disperser, transformer
Les herbes sont prescrites selon des formules classiques ajustées au patient : Bu Zhong Yi Qi Tang pour élever et tonifier, Xiao Yao San pour libérer la stagnation du Foie et harmoniser la Rate, ou Gui Zhi Tang pour des invasions de Vent‑Froid. Dans la pratique, un suivi régulier ajustera la formule : amélioration de la langue, modification du pouls et des symptômes guident l’adaptation. La qualité des plantes, le respect des interactions médicamenteuses et la traçabilité sont essentiels pour la sécurité et l’efficacité.
Qi gong, tuina et conseils de vie : rendre le patient acteur du rétablissement du Qi
Le Qi Gong régulier améliore la circulation énergétique, réduit le stress et participe à la prévention. Le Tuina libère les tensions structurelles et favorise la libre circulation du qi localement. En cabinet, l’enseignement de pratiques simples (respiration abdominale, postures quotidiennes, hygiène alimentaire adaptée à la constitution) s’intègre au protocole pour prolonger les bénéfices entre les séances.
Par exemple, un protocole combiné (acupuncture hebdomadaire + exercices quotidiens de Qi Gong) montre des résultats supérieurs en gestion du stress et de l’insomnie que l’acupuncture seule, d’après les retours cliniques observés par de nombreux praticiens.
Comment traduire ces savoirs en parcours de soin concret et sécurisé en cabinet ?
Faire un bilan initial structuré : anamnèse, pouls, langue et récit de vie
La première consultation doit permettre d’identifier le syndrome énergétique principal : questionnaire sur sommeil, appétit, cycle menstruel, stress, antécédents, observation de la langue et prise du pouls ; ces éléments construisent un diagnostic MTC, posent des objectifs thérapeutiques et déterminent la fréquence des séances.
Par exemple, une consultation à Chambéry en cabinet dure souvent entre 45 et 75 minutes pour établir ce diagnostic holistique et proposer un plan sur plusieurs séances ainsi qu’un protocole d’hygiène de vie.
Conclusion
Le Qi, envisagé comme activité vitale et source à la fois héritée et acquise, offre un cadre clinique pragmatique pour diagnostiquer et traiter des déséquilibres fonctionnels. En cabinet, une prise en charge efficace repose sur trois piliers : un bilan structuré (anamnèse, pouls, langue), un plan thérapeutique combinant acupuncture, phytothérapie et auto‑soins (Qi Gong, diététique), et une évaluation continue visant à protéger la constitution (Jing/Yuan Qi) tout en renforçant le Qi acquis. Ce modèle permet d’adapter les soins à la réalité de chaque patient — protection des ressources héréditaires pour les constitutions fragiles, interventions rapides et ciblées pour les troubles acquis — et de garantir sécurité, traçabilité et résultats mesurables. Pour une prise en charge personnalisée et progressive, une consultation approfondie reste la première étape.
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Crédit photo : Image par Antonika Chanel


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